Nous avons au préalable posé deux idées :
– d’abord la liberté et la sécurité sont deux aspirations légitimes. Tous les hommes veulent être libres et en même temps ils souhaitent tous la sécurité de leur personne et de leurs biens; D’ailleurs, liberté et sécurité sont considérées comme des droits de l’homme, comme le stipulent l’article 2 de la DDHC de 1789, et l’article 3 de celle de 1948.
– Mais le problème se pose de leur conciliation, car au nom de la sécurité, on peut être amené à priver les hommes de certaines libertés, ce que l’actualité illustre, comme certains l’ont fait remarquer. A l’inverse il est évident que si on laisse toutes les libertés aux individus, ils risquent de mettre en danger la sécurité des autres, comme c’est les cas, par exemple, lorsque des skieurs s’aventurent hors piste et que les sauveteurs doivent prendre des risques pour venir à leur secours.
Donc, la question essentielle est : comment concilier liberté et sécurité dans une société juste ? Laquelle de ces deux valeurs doit alors primer sur l’autre ?
Pour répondre à cette question nous avons été amené à distinguer le plan de la sécurité individuelle et le plan collectif. Concernant ce dernier, on peut dire que la sécurité est ce qui rend possible l’exercice de la liberté. Il est donc normal de renoncer à un peu de liberté individuelle afin de rendre possible la sécurité de tous et aussi, par là même, l’égale participation à la liberté de tous. C’est la loi qui joue le rôle de conciliateur de la liberté et de la sécurité, en garantissant à chacun une part égale de liberté.
C’est J.J. Rousseau, notamment, qui l’explique en faisant la distinction entre l’indépendance et la liberté. L’indépendance consiste en ce que chacun fait ce qu’il veut quand il le veut. Dans ce cas, chacun est individuellement libre, mais peut accomplir des actes qui sont contraires à la liberté des autres, et même contraires à leur sécurité. Au contraire, si tous les hommes obéissent aux mêmes lois, la liberté de chacun est limitée, mais l’égale participation de chacun à la liberté est garantie. Rousseau affirme ainsi qu »il n’y a pas de liberté sans lois » : cela peut paraître paradoxal, mais en réalité, ça ne l’est pas si on se place au plan collectif.
Cependant, la question de l’extension du domaine de la loi demeure : quelles dimensions de nos existences peuvent échapper aux lois, sans que la sécurité de tous soit mise en danger ? (nous avons parlé à ce propos de l’habitat alternatif)
Ainsi, si d’un côté on peut renoncer à une part de liberté au profit de la sécurité, on peut, d’un autre côté, considérer comme un piège de mettre la sécurité avant la liberté, puisque cela peut justifier d’importantes restrictions de la liberté. Nous avons parlé de Notre-Dame-Des-Landes qui peut illustrer cette idée.
Nous avons donc abouti à la question de savoir quel degré de liberté nous sommes prêts à mettre en danger pour la sécurité.